Manifeste 3 “l’archipel cosmos” Revue Trasdemar de littératures insulaires

Avec notre Revue nous prenons le défi de la connectivité entre archipels afin d’affronter l’incertitude de la crise climatique et du collapse, en offrant les premiers indices d’une possible renaissance insulaire
Vítor Teves (Ponta Delgada, Azores) Sem título, acrílico sobre papel, 2021

«Celles-ci sont les premières heures du monde» écrit l’auteur canarien Rafael Arozarena dans son poème intitulé « Suède », de son livre El ómnibus pintado con cerezas (L’omnibus peint aux cerises, 1971). Il y a déjà cinquante ans, l’écrivain insulaire nous racontait ces forêts aux larmes archaïques et aux cristaux modernes. Depuis l’origine de l’histoire, la littérature a toujours été l’une des formes les plus essentielles de l’expérience humaine ; c’est bien pour cela qu’à présent, en ces temps de pandémie et de crise globale, nous faisons un retour nécessaire vers l’écriture qui, dans ses possibilités multiples d’expression et de langues, conçoit des seuils d’espoir pour une société plus digne et plus juste. Avec la Revue Trasdemar, à notre premier anniversaire, on poursuit la construction d’un espace qui participe à la reconnaissance de l’insularité, à la liberté d’expression et à la valeur de l’échange littéraire, qui encourage des nouvelles formes d’être à l’international.

Des millions d’habitants peuplent des millions d’îles dans le monde, ce qui représente à peine dix pour cent de la surface terrestre. Pourtant, dans le devenir des cultures, toutes les îles, maritimes ou fluviales, d’ordre naturel ou artificiel, ont habité un même horizon d’expectation et de veille afin d’ouvrir des nouveaux registres du regard humain. Depuis la mythologie jusqu’aux chroniques coloniales, en roman comme en poésie, dans l’imaginaire de toutes les époques, les îles dans leur ensemble sont parvenues à une dimension singulière, infiniment explorable. C’est pourquoi il faut prendre la voie cosmopolite d’un climat universel et sans frontières pour arriver à l’Archipel Cosmos. Avec notre Revue nous prenons le défi de la connectivité entre archipels afin d’affronter l’incertitude de la crise climatique et du collapse, en offrant les premiers indices d’une possible renaissance insulaire.

L’anglais John Berger, lors de son voyage aux îles finlandaises, dans son libre Keeping a Rendezvous (1992), nous raconte ce besoin d’une réponse autre, de cette sensation que tout est eau, que tout disparaît et que « les centres sont en train de perdre leur initiative historique ». Si autrefois, pendant des siècles, on considérait la périphérie comme le lieu « où finissait le passé », maintenant l’expérience des îles, la contemplation de la marée et de son éternité, prouve l’idée que la beauté trouve aussi son origine dans la souffrance, dans les changements permanents. Dans la ressemblance des îles s’assemble une solidarité irrévocable pour une défense écologique du globe. Nous sommes une mer d’altérités grandes ouvertes. Nos littératures offrent le métissage du futur.

Cette année on commémore le centenaire de décès du poète cubain Cintio Vitier, né à Cayo Hueso en 1921. Dans l’une de ses leçons données à La Havane entre le 9 octobre et le 13 décembre de 1957, il parle de la pensée de María Zambrano, philosophe andalouse qui, au moyen de la magie et du secret des images poétiques, trouve dans l’expérience de l’île un lien vital antérieur à celui de sa propre naissance. À travers le dialogue entre les cultures insulaires et continentales, à travers le contact et le mélange des imaginaires narratifs, depuis les migrations partagées et la mise en valeur des voix du divers, l’Archipel Cosmos se reconnaît parmi les reflets d’un miroir brisé par l’histoire dramatique du monde.

Face au chaos du système et du pouvoir, face à la condamnation de la répétition d’échecs d’une civilisation dépassée, les archipels se réveillent à présent depuis leurs phares.


Traduction faite pour la Revista Trasdemar par Leonardo Ruiz-Díaz

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